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Hé l’Humain!

Hé l’Humain!

Dis moi, es-tu capable de dire « je t’aime » sans prendre tes sources et tes images dans le monde animal? Non?
Il est vrai que notre langage affectif utilise des mots, des phrases, des métaphores et des symboles qu’il trouve au bout des antennes, des vibrisses et des plumes.
Et pourtant l’homme occidental a toujours établi une hiérarchie linéaire allant du minéral, végétal, animal à l’humain. Faisant de l’humain l’espèce supérieure habilitée à gérer et contrôler tout le reste. La notion du temps dans l’occident est linéaire, allant de la préhistoire à nos jours sans retour dans le passé, puisque le présent est censé être évolué et plus performant que le passé.

Une des caractéristiques qui m’a toujours le plus séduit dans la culture Kabyle, c’est que le schéma du temps est circulaire, englobant une interaction permanente du vivant et du nom vivant, du visible et de l’invisible, du passé et du présent. Schéma qui permet d’exclure les rapports dominé-dominant, puisque minéral, végétal, animal, humain sont dépendants les uns des autres. Un schéma qui impose humilité et qui permet de relativiser tout le temps, d’être ouvert à la connaissance, pas parce qu’il est posé qu’on est la seule espèce à la posséder, mais parce que nous avons à apprendre tout le temps de cette magnificence de la création, des anciens, de l’histoire, de la tradition et de l’observation des animaux.

Lorsque j’ai, lors de mes études de psychologie, étudié l’éthologie
( psychologie du comportement de l’animal) et la linguistique j’ai beaucoup ri en pensant que bien des rapports nommés bestiaux par mes semblables bipèdes, je les aurais rebaptisé humains.  Qui est la bête parfois lorsqu’on s’acharne sur un congénère uniquement parce qu’il dérange, parce qu’il n’a pas la même opinion religieuse ou idéologique. Quelle est la bête qui viole, abuse ses petits et massacre délibérément une autre espèce que la sienne.
Dire que nous ne pouvons parler, exprimer l’affectif, le sensoriel, le sensuel sans faire référence au monde animal. Ne dit-on pas :  » malin comme un singe, une langue de vipère, un oeil de lynx, une démarche de gazelle, têtu comme un âne, des yeux de chat, faire le paon etc… »nous ne pouvons donner des surnom d’amour qu’en faisant référence à l’animal:  ma biche, mon poussin,  ma tourterelle, ma colombe. Même les animaux du plus bas étage qui soit sont censés être tendres tel « morpion » ou « ma puce ».

Comment parler de libido sans référence à l’animal : la puissance du bouc, la générosité du membre viril de l’âne, le coït furtif du lapin. Mais quelle projection lorsque l’humain traite une nymphomane de « chienne ». Si certains mammifères comme les chats et les chiens multiplient les partenaires, ce n’est pas parce que la vertu leur fait défaut c’est pour éviter les maladies héréditaires ou les saillies malsaines. La programmation est faite par l’horloge biologique : à chaque portée les petits sont chacun de pères différents, un père une saillie. De la sorte il y a beaucoup plus de chance pour que le maximum soit viable.

L’homme a souvent projeté ses propres pulsions ou pathologies ou perversions sur l’animal sans comprendre le fonctionnement intrinsèque du monde animal et de ses lois sociales, bloqué à une vision au premier degré, englouti par un anthropomorphisme primaire.
Est-ce que pour domestiquer, dompter, contrôler et condamner il fallait juger ? Décréter que le porc était sale, l’âne stupide, la chienne une péripatéticienne, la chatte une vicieuse et une sournoise, voire un suppôt de Satan ? Quel enfermement !
J’espère qu’en observant le monde animal j’apprendrai encore beaucoup sur eux et sur mes congénères. J’apprendrai à ne pas projeter sur eux le blanc, le noir, Dieu ou Diable, à ne pas décréter de ce qui est nuisible ou utile, mais chercher, chercher toujours avec avidité et la connaissance et le beau afin de respecter ce que GAYA, la déesse Terre nous a offert: la vie.

Idéologiquement il me plaît assez qu’il y ait toujours autant de ravets, scolopendres, puces, poux et autres bébêtes depuis le temps que de brillants ingénieurs se penchent sur toutes les formules chimiques, miracles voire magiques destinées à les éradiquer. Il me plaît aussi beaucoup que les rats et souris prolifèrent au fur et à mesure que les villes prolifèrent également. Tous ces « fléaux » qui ennuient l’humanité depuis la nuit des temps et qui ne font que lui rappeler que l’homme n’est qu’un des maillons de la chaîne et non celui qui décide de ce qui doit ou ne doit pas être exterminé à tout jamais. Car si un jour nous avions nous les humains un complet contrôle sur le vivant nous serions l’espèce animal la plus dangereuse qui soit. L’explication en est que nous sommes dépourvus du contrôle de notre agressivité alors que l’arrêt de la pulsion agressive est réflexe et chimique dans le cerveau de l’animal, que nous fonctionnons à la toute puissance et souvent dominés par la perversion, et que plus la science progresse moins nous savons ce que les mots de sagesse et respect signifient. Alors qui sera bestial et cruel ?

Tant il est vrai que l’humanité fonctionne de plus en plus au niveau du pouvoir, à vouloir contrôler l’eau, le feu, le vent, la terre, le propre, le sale, le végétal, l’animal.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme dit-on. La science sans l’humilité, sans le respect des lois de la nature, cela donne le scientisme, c’est à dire, entre-autre, la porte ouverte aux manipulations génétiques, au clonage, à la production d’une race forte, donc production d’esclave pour la servir… le mythe du citoyen idéal, de l’homme parfait, du candidat Mandchou, j’en passe et des meilleures. La science visant à l’utile et au rentable à court terme, ça c’est le vrai fléau de l’humanité.
Heureusement on nous parle de développement durable depuis un peu plus de dix ans. C’est , dit la définition,  » un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Ceci ne sera possible qu’en visant le long terme et le respect de la vie et de ces lois.
Que penser des des animaux objet de consommation, phénomène de mode, parallèlement au souci de développement durable ? La relation homme-animal n’a jamais été autant pervertie car, relation pouvoir -fric-sexe-. On les utilise pour la pornographie, pour la fourrure, pour les combats, pour les laboratoires, on les clone même.
D’ailleurs aujourd’hui on clone la brebis, demain ce sera la bergère! Est-ce pour rivaliser avec Dieu et créer la créature?

Oui je brame au claire de lune, je piaffe et je rugis…OK!
Je voulais juste vous dire aujourd’hui que pour moi le respect de la vie et de la dignité c’est vraiment le seul combat que je souhaite mener à tous les niveaux qui soient.

Mais cela n’empêche pas d’avoir envie de gazouiller, roucouler, ronronner, de me dorer comme lézard et de gambader comme un cabri, d’être aussi féroce qu’un tigre lorsqu’on touche à ceux que je me suis jurée de protéger, d’être aussi fidèle qu’un chien à tous ceux qui me témoigne de l’affectif et de garder au fond de moi le côté sauvage et indomptable du monde animal.
Ne m’en voulez pas si , compte tenu de tout cela, je ne dis pas mes amis…. les bêtes, mais ma famille les bêtes.
Mais je vais vous laisser ruminer ces pensées et m’envoler à tire d’aile jusqu’à l’année prochaine.

Avant de prendre mon envol, je voulais vous offrir ce petit proverbe Kabyle que je souhaiterais dédier à tous les savants fous qui jouent aux apprentis sorciers, à l’homme fou qui croit qu’il peut utiliser l’animal à sa guise pour son simple plaisir:
 » il a suffit rien qu’une seule fois à la poule qu’elle monte sur un perchoir pour qu’elle se prenne pour un vautour ».

                                                                                    M.A ABANE

 

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