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Conte Chat Awal

Conte Chat Awal

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A tous ceux qui ont été et sont emprisonnés pour « raison d’état » «  atteinte à la sûreté de l’état », « Troubles à l’ordre public » ou plus insidieux ceux qui ne font que dénoncer l’injustice et les délits commis par ceux qui ont le pouvoir et l’argent.

A tous ceux qu’on a torturé physiquement et psychologiquement, humiliés, bafoués, raillés et ignorés.

A vous tous, je viens vous procurer quelques jolies minutes de rêve, un mini chat-taplasme, oh ! pardon ! cataplasme pour apaiser l’inflammation de votre colère, de votre écoeurement et de votre angoisse. Je veux vous dire que c’est malheureusement le prix que vous avez à payer pour être un héros, devenir un mythe, un visionnaire, un martyr, une légende. C’est comme si les êtres humains ne pouvaient réaliser, sanctifier vos sacrifices, vos souffrances, votre flirt permanent avec les dangers et la mort que grâce à ces moments, ces années d’horreur, d’esclavage ou votre mort atroce. Il y a de nombreux exemples dans l’histoire, c’est le cas entre autres de Jésus, de MANDELLA, de Gengis Khan, de Yang San Souki, d’ABANE Ramdane et de beaucoup de Kabyles encore à ce jour. Se sacrifier n’est pas un choix ou le désir du futur martyr, c’est son dû. Et plus son sacrifice est important et plus il gagnera l’éternité. J’espère que ce petit conte vous donnera l’espace d’un bref instant, force, courage et espoir.

 

Machaho !

Tellem chao !

 

Il était une fois, un petit chat que j’avais nommé Awal (parole). Il était tout gris, avec une petite tête de fennec et de longues pattes d’échassier. Son petit corps fin et doux aimait s’enrouler autour de mes mains, en s’agrippant comme un petit singe.

Ce Chat-Parole (Awal) en arrivant à la maison demanda donc une réunion du conseil des anciens. Il souhaitait compléter son éducation, arraché trop tôt à sa mère chat, il avait plein de questions sans réponses. Il m’avait été apporté, lors d’une douce nuit tropicale par un curieux humain qu’on pourrait nommer adulescent. Il était drôle avec ses longues pattes presque aussi fines que celles du Chat-Parole et avec un nez aussi pointu que lui. Il tenait cette minuscule petite vie dans ses mains qui braillait comme un beau diable car, très affamé et déshydraté. Son angoisse se calma quand il avala son premier biberon avec lait maternisé et céréales 1er âge. Avec son ventre distendu, tout rond, il ressemblait plus à une grosse araignée qu’à un chat. Son chagrin d’orphelin se calma ; il soupira, me regarda avec ses yeux bleus de bébé chat, et compris que sa nouvelle vie allait être cela : c’est-à-dire, moi et le conseil des anciens qui sans être convoqué, aiguisait leur curiosité en venant découvrir les uns derrière les autres ce nouvel arrivé. Le conseil aurait lieu séance tenante, décidèrent-ils, il fallait une éducation à ce drôle de chat là. Mais il n’en fût rien, bébé dormait.

 

La Chat-Enigme (Timsal) fût le premier à venir à sa rencontre. Il trouva qu’avec sa fourrure couleur des ténèbres et son petit minois aplati, elle n’était guère sympathique, pour le Chat-Parole, elle était bien une véritable énigme.

Puis arriva le Chat-Rosée (Enda) accompagnée de sa mère Ferrudja, ces dames étaient siamoises de cœur, elles ne se quittaient pas. Est-ce pour cela qu’elles se contentèrent de lui lancer un regard de bourgeoises suffisantes ? Est-ce que cela voulait dire qu’elles le trouvaient bien ordinaire et bien commun ?

Le chat Uzmir était ivre de colère : lui aussi avait connu bibi avec lait etc…. Ah ! non le Chat-Parole n’allait pas lui voler sa place !

Le chat-Berberie (Tamazgha) fixait le Chat-Parole de ses immenses yeux pailletés d’or, vitupérant quelque peu, pour la forme.

Alors déçu par son entrée aussi peu fracassante le Chat-Parole a décidé de ne vivre qu’avec moi en symbiose, s’il avait pu se faire greffer, il l’aurait fait. Il a décidé momentanément d’ignorer les anciens.

Pourtant le Chat-Bonté (Tamella) venait le renifler pour l’encourager à apprendre à être un chat . Seul le Chat-Bonté savait être aussi doux, patient, et affectueux avec les bébés chats, mais rien n’y fit le Chat-Parole était totalement hermétique : il était seul au monde avec la dame du logis. Ses jours s’écoulaient heureux, il avait trouvé une compagne de jeu, de la race chien, elle aussi venait d’arriver, elle s’appelait Djihda et bizarrement tout comme lui, elle avait une petite tête de renard toute pointue et de longues pattes d’antilope.

 

Le Chat-Parole était parfois triste, il regrettait sa maman, il était conscient que son éducation était insuffisante, il ne savait pas jouer à la chat, chasser, il n’avait pas les bons codes. Alors un matin, de grand bonne heure, comme on dit sous les tropiques, le Chat-Parole demanda à ce que le conseil siège. Il avait choisi son jour : l’air embaumait les fleurs de mombin (variété de prune jaune des Antilles) la lumière était intense, les couleurs du ciel, des plantes et des fleurs claquaient comme celle de sa méditerranée si chère au cœur de sa maman humain.  Les petits nuages roses se faufilaient timides en file indienne annonciateurs du grand disque d’or. On n’entendait pas un bruit, les oiseaux baillaient et s’étiraient encore.

Le Chat-Ange (Malik) devait être le président du conseil, normal c’était lui le patriarche. Le frère du Chat-Bonté, (Anzar) Chat-Dieu de la pluie, siégeait à sa droite et le Chat-Sagesse (Tasmuni) à sa gauche.

D’une voix tonitruante le Chat-Ange demanda : « Qu’attends-tu de nous exactement Chat-Parole ? »

Le Chat-Parole répondit timidement dans ses moustaches : « je veux savoir pourquoi elle m’a donné ce nom ? C’est vrai nous, les animaux nous ne possédons pas la parole, nous avons un langage : les postures du corps, les mouvements d’oreilles et de queue et pleins de jolis sons qui nous servent à communiquer entre nous. Et nous sommes les seuls de la création à émettre un son pour le plaisir : le ron-ron. Mais nous ne possédons pas la parole, par contre nous sommes fascinés par les sons qu’émet la voix humaine.   Mais tout cela ne s’appelle pas la parole. Alors pourquoi ? »

Surpris par une telle réflexion de la part d’un chaton, le conseil exigea un temps de réflexion. Sérieux et docte, le Chat-Ange (Malik) se tenant bien droit, le front haut dit : « La parole est sacrée, petit chat. Il y a la parole qui soigne, la parole qui ouvre le cadenas de la vérité, ta maman d’adoption le sait bien, c’est son métier, elle l’a choisit pour cela, la thérapie ne peut être qu’une parole de vérité. Et puis, tu sais, il existe aussi la parole méchante, celle qui blesse qui creuse et creuse comme une plaie qui ne se referme jamais. Et puis, il y a celle de la calomnie, de la médisance, des mensonges, de la trahison et de la délation dont on ne sort qu’en touchant les étoiles. La parole méchante peut tuer, petit chat, tu t’appelles Chat-Parole parce que la parole est source de vie. Tu ne possèdes pas la parole comme les humains, mais tu la symbolises. Tu t’accroches à la vie, avec tous ces sons que tu émets, ton besoin permanent de communiquer avec elle. Chez les humains les serments d’amour, le négoce, la relation au sacré, tout passe par la parole. Elle t’a appelé Chat-Parole car pour elle et surtout à ce moment de sa vie, les serments de loyauté sont sacrés, les promesses et les engagements aussi. Elle accorde une importance énorme à la fidélité, à la parole donnée, au code de l’honneur qui fait qu’un homme tient debout malgré le cyclone de médisances et de trahisons qui peut s’abattre sur lui un jour. Si cet homme possède tout cela, il pourra supporter les privations, l’acharnement des méchants, souvent médiocres, leur sadisme, cet homme tiendra debout, il ne se couchera jamais.

 

Il faut que tu saches une chose petit Chat-Parole, ce code d’honneur là, quand tu le possèdes, rien ni personne ne peut te l’enlever. On peut t’humilier, te mettre à genoux, tu ne courberas pas l’échine. Cette liberté là elle a le goût de l’éternité. Elle t’a appelé Chat-Parole parce qu’elle pense que dans la déliquescence ambiante de ce siècle où les maffieux de tous poils, en col blanc, éclosent et se reproduisent comme des coquelicots dans les champs de blé, on ne devrait jamais oublier l’engagement , la promesse, la parole qui soigne. Tu représentes pour elle ce symbole, tu t’accroche tellement à la vie et à l’amour que tu donnes. Tu ne le sais pas, mais quand tu dors, elle te couve du regard, attendrie, en demandant au Dieu-Soleil au Dieu-des-Arbres, du Vent et de la Nuit de te protéger, petit chat gris à la tête de fennec et aux longues pattes d’échassier. Ton corps, ton pelage sont communs, ordinaires, mais ton âme est belle. Elle sent aussi bon que les fleurs de mombins (elle préfère tout de même le jasmin). Tu déposes sur son cœur en colère contre la parole-qui-tue et qui ment, des baisers de chat plus doux que la soie, plus chauds que le grand disque d’or, plus fort que le déchainement des vents.

Tu représentes cette force de vie qu’elle sent en elle et qui bouillonne comme un geyser. Elle voudrait t’insuffler cette force de vie là, quand alangui, tu es dans tes rêves de chat, innocents et enfantins. Chat-Parole, c’est la force de l’amour. C’est le plus beau nom qu’elle pouvait te donner. »

Le Chat-Morceau de sucre (Aszidane, c’est lui le patriarche aujourd’hui, il a fêté ses 16 printemps) conclut en riant : « Petit Awal c’est important que tu ais convoqué le conseil des anciens, tu avais l’âge de savoir ce que resselle le monde des adultes »

Et moi, petit Awal, laisse moi encore rire et sourire de tes facéties de bébé chat, m’émouvoir de ta naïveté et de tes mimiques, m’émerveiller de te voir découvrir le vaste monde.

 

Va, Chat-Parole et que le Dieu-des-Chats te protège. Tu sais, les anciens ne te l’ont pas encore dit, mais le Dieu-des-Chats, c’est le même que celui qui créa la femme avec les fleurs, la dentelle et la soie, la nacre et les mystères du clair de lune (Tiziri).

Ciel ! sais-tu qu’au moyen âge les humains l’auraient brûlé pour ces propos jugés hérétiques, comme aujourd’hui ils veulent la brûler pour ses paroles qui protègent les faibles et les victimes. En fait, les humains veulent brûler tout ce qui dérange leur voyoucratie, mais pas ce qui dérange leur Dieu.

Là, je vais m’éloigner sur la pointe des pieds, car tu rêves mon petit Chat-Parole. Je te saupoudre du baiser des anges et des paillettes des étoiles. J’attends ton réveil pour vivre et rire avec toi.

 

Le dernier bébé arrivé est le Chat-Clarté (Tafat) car les ténèbres cesseront un jour et la lumière se fera. Il en est ainsi de la vie…. Ce qui est en haut aujourd’hui sera à terre demain et inversement.

 

Je m’appelle Marie-Aude ABANE et je suis Kabyle, berbère et psychologue .      

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