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Le Petit Chat Rose

Le Petit Chat Rose

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Machaho-Tellem Chaho !

Le petit chat tout rose…..

 

 

Il était une fois, un petit chat tout rose, aux grands yeux lilas avec le bout des pattes pailletées d’or.
Il était né dans un pays rempli de mystères, peu connu des 

grandes civilisations occidentales. Elles avaient préféré les clichés, les préjugés et le déni, plutôt que d’appréhender sa culture tellement spécifique. C’est un pays où les hommes prennent à témoin la montagne quand ils prêtent serment, parce qu’elle est noble, ils la saluent en se levant et en se couchant. C’est un pays où les astres sont tellement bas que les femmes, pour nettoyer, n’ont qu’à prendre des morceaux de nuages. C’est un pays où la pluie tombe amoureuse de l’arc-en-ciel, et où la mer se brûle d’amour pour le soleil. C’est un pays où les hommes et les femmes se réunissent dans leur village, 3 fois par an, pour un travail collectif (Tiwizi) entretien des routes, des forêts, des granges, des ruisseaux, des lieux communs. Embellir ensemble, travailler ensemble, posséder ensemble, une seule sueur, une seule voix, un seul amour : son pays. C’est un pays où la prison n’existe pas, on exile, la liberté est le dénominateur commun à tous, elle est un Dieu que tous honorent. Dans ce pays-là, le petit chat tout rose avec ses grands yeux lilas et le bout des pattes pailletées d’or, était admiré. Beaucoup disait qu’il était un don des Dieux car il avait la beauté, la grâce, et l’intelligence. La Beauté est un autre Dieu que tous honorent là-bas. Sa naissance a été particulière : une maison baptisée « le Soleil » accrochée à une falaise surplombant la mer ; c’était une nuit d’orage où les éléments fracassent la terre : la mer et la pluie s’engouffraient de concert sous les portes et les fenêtres. C’est comme si les Dieux prévenaient que la vie de ce chaton serait marquée par la violence, la tourmente et le fracas. Ses parents ne se réjouissaient guère de cette naissance. Trop différent, trop indomptable, trop libre disait la mère. Trop précieux, trop incontrôlable et bizarre disait le père. Aucun des deux ne se retrouvaient vraiment en lui. Certes, ils savaient que c’était leur enfant, mais chacun de leur côté décidèrent de faire une croix sur lui. Il les dérangeait trop, posait trop de questions, il était tellement avide de connaissance, avec cet émerveillement permanent et passionné pour la vie, la nature… Sa sensualité avait pour eux quelque chose d’effrayant. Le petit chat tout rose ne comprenait pas ce rejet, il voulait juste être aimé. Il a cru que s’il flirtait avec la perfection ils l’aimeraient peut-être enfin !!!
Il eu beau réussir tous les défis qu’il se lançait à lui-même : courir plus vite, comprendre et analyser plus vite, être le plus habile à la chasse, le plus adroit et le plus serviable, gentil et poli à foison. Il obtenait l’inverse, il dérangeait de plus en plus. Pourtant il voulait juste ne plus être transparent et indigne d’intérêt, il voulait juste qu’on l’aime. Alors il compensa par l’amour des plantes, des animaux, des éléments, de la terre et des astres.

Les souvenirs qu’il garda de son pays rempli de mystères et de beauté étaient liés à cela. Il souriait en se rappelant comment il voulait impérativement très jeune assister au lever du soleil : il se réveillait à la nuit, montait quatre à quatre les escaliers avec ses petites jambes, pour aller sur le toit tout plat qui servait de buanderie. Et là il attendait l’énorme disque rouge qui jaillissait de la mer. Il écartait les bras vers sa magnificence et là pendant ces quelques minutes, il pensait que le monde lui appartenait. Il allait aussi en plein jour, essayer de comprendre un autre mystère que recélait cette buanderie : entre les dalles de béton surchauffées par l’astre de feu, poussaient des mousses et des plantes minuscules d’un vert ardent. Le petit chat tout rose pouvait rester des heures à effleurer cette petite vie qui sentait bon et qui défiait le grand astre rouge grâce aux gouttes d’eau du linge qui claquait en séchant. Des fourmis circulaient là comme si c’était leur autoroute. Il les suivait du regard et voulait impérativement découvrir leur secret : où habitaient-elles ? comment était leur maison ? Il devenait à chaque fois cramoisi sans obtenir de réponse. Mais il ne baissait pas les bras !!!

 

Quand il était allé dans le pays où la terre est rouge, craquelée par le grand disque de feu, il avait découvert d’autres mystères. Des chatons moqueurs lui avaient montré comment faire un chewing-gum avec les petites gouttes de sève blanche qui sortaient de gros chardons qui poussaient à même le sol. Ils semblaient secs, mais non, la vie réussissait à s’échapper d’eux. Dans des éclats de rire, les chatons faisaient le concours du plus gros chewing-gum. En effet cette sève blanche avait tout à fait la consistance du chewing-gum mais avec un goût de terre. Et puis il y avait cette odeur de menthe quand on foulait la terre rouge. C’était une petite fleur violette qui formait des petites boules qui se succédaient de la plus grosse à la base, et de plus en plus petites au sommet tels des dômes de différentes grosseurs s’élevant vers le ciel. Il se souvient encore de son odeur (peppermint) ainsi que celle du jasmin les nuits où le grand disque d’argent voulait être plus brillant que celui qui régnait le jour.
Ces nuits-là, le petit chat tout rose ne pouvait pas dormir, il ne tenait plus en place, il aimait marcher dans l’herbe ou au milieu des arbres, il lui semblait qu’ils l’entouraient de leurs bras et que le vent dans leurs feuilles lui parlait. Un jour il découvrit la forêt de chênes lièges, il regardait cette énorme écorce qui se détachait du tronc. Elle était légère comme les plumes, elle sentait bon. Quel mystère cela aussi. Pourquoi ces arbres devenaient-ils tout nus ? Il les caressait et les rassurait car il ne voulait pas qu’ils souffrent sans leur manteau.
Il aimait aussi enlacer et embrasser les immenses eucalyptus, quelle joie de froisser leurs feuilles ou de fermer les yeux étendu à leurs pieds pour les respirer, les humer, intérioriser leur essence. Il lui fallait absolument capter ces quelques minutes pour qu’elles deviennent la quintessence du bonheur absolu et éternel. Il souriait, devenu adulte en qualifiant ces moments de communion totale avec cette si belle nature d’extase mystique.
Et les petits ânes ! ils trottinaient assidus, le ventre lourd. Le chaton tout rose disait que c’était ses frères et sœurs. Forcément on le qualifiait en permanence de « tête d’âne », et c’était bien vrai, tant il était obstiné, déterminé, il ne lâchait jamais rien, ni personne.
Quand il était à la ville, c’était les chiens et les chats qu’il trouvait dans la rue qui étaient ses frères et sœurs, il adorait les embrasser sur la truffe. Ces petits nez étaient tous différents, humides ou secs, froids ou chauds, fermes ou mous. Il les embrassait à les étouffer. Sa mère horrifiée lui hurlait que c’était sale. Mais que nenni, pour lui les humains étaient sales, il les avait vu faire des choses immondes, mais pas ces boules de poils là. Pour sûr, ce chaton a voulu faire mentir sa mère jusqu’au bout, il ne contracta aucune des maladies dites infantiles. Il y a vraiment de quoi taper ses pattes au sol de rire.
Le matin, il allait voir sur le balcon un autre mystère. Ce dernier était couvert de jardinières de géraniums mariant tous les tons de rouge et de rose. Et chaque matin une chose bizarre se produisait : tous les pétales à terre étaient mélangés. Sa mère lui avait dit que c’était parce que chaque nuit, les géraniums roses invitaient à danser les géraniums rouges et qu’ils tournaient tellement qu’ils en perdaient leurs pétales. La nuit, tel un détective de grand renom, le petit chaton rose se levait et guettait d’un côté, de l’autre, il voulait absolument voir ça. Sa déception était immense ! Les géraniums savaient quand il était là ! ils ne dansaient pas !

Quand il marchait dans la rue, il ne regardait jamais le sol mais les grands arbres taillés en rectangle. C’était stupéfiant, pourquoi étaient-ils tous pareils ? Et il traquait les différentes formes que prenaient souvent les nuages. Il tombait souvent et revenait les genoux couronnés. Mais au sol, en ville, il n’y avait rien d’intéressant. Alors qu’en campagne ou en forêt oui ! Son père le félicitait pour tout ce qu’il trouvait, un bouton, un clou rouillé, une pièce de 1 centime. Il fallait surtout qu’il trouve tout ce qui se mangeait : asperges et poireaux sauvages, champignons, des sortes de cardons sauvages au goût d’artichaud. Il aurait été champion du monde olympique à ce jeu-là, tant cet apprentissage avait aiguisé son sens de l’observation. Il adorait aussi faire le marché avec son père, les marchands aimaient ce petit chaton tout rose, tous lui donnaient des bonbons ou une poignée d’amandes fraîches, il adorait ça ! Ils riaient tellement à le voir enfoncer son nez dans tous les bouquets de menthe et de coriandre, ou à s’évertuer à regarder les yeux des sardines à l’étale, ils lui avaient tellement dit que si elles étaient fraîches elles avaient les yeux bleus ! Le petit chaton faisait tellement les yeux doux à l’étalage des olives que le marchand lui en faisait goûter une de chaque sorte. Toutes ces odeurs avaient aussi le goût de l’extase mystique ! Le petit chaton tout rose, aux grands yeux lilas, avec le bout des pattes pailletées d’or était fasciné par les regards de braise des hommes et femmes de son pays. Quand ils étaient moqueurs, leurs yeux riaient avant la bouche, quand les discussions s’embrasaient les yeux brillaient et plongeaient profondément dans les yeux des autres, quand ils captaient la beauté, les bouches se taisaient et les yeux fascinés, s’enflammaient. Ces regards là il ne les a connus que chez ces humains-là.
Dans ce pays magnifique, idyllique où il pouvait exprimer sa furieuse joie de vivre, quand la pluie cinglait sa petite truffe rose, quand le vent se déchainait dans sa fourrure, quand les rayons du soleil pénétraient de douceur tous ses os, il oubliait qu’il n’avait pas de famille ; il jouait avec les étoiles, traduisait ce que disaient les nuages dans leurs langages infinis, il roulait dans le sable et s’occupait de tous ceux qui étaient malheureux. Il savait que c’était bien la meilleure façon d’oublier sa tourmente.

Un jour il dû partir de son pays mystérieux, il était plus grand. Il ne savait pas que ce pays d’adoption était tout gris, plein de fumées nauséabondes. Le ciel était gris le jour et sans étoiles la nuit, les humains qui y vivent étaient gris et marrons car leur vie semblait grise. Il crut qu’il n’y avait pas de vie dans ce pays-là et qu’il allait mourir. Là on ne l’admirait pas, on ne disait pas qu’il était un don des Dieux, bien au contraire. On riait de lui dans la rue. « Vous avez vu ! un petit chat tout rose avec des yeux lilas et le bout des pattes pailletées d’or ! C’est ridicule ! Quel carnaval ! » On pointait un doigt moqueur, rageur, vengeur sur——– le don des Dieux. Le petit chat tout rose ne comprenait rien !

« O tempora, O mores ! (autres temps, autres mœurs). Oui, il avait appris cela, mais pourquoi autant de haine parce qu’il était différent ? Le même rejet que ses parents. Sur les marchés il sentait, touchait les aliments, comme il faisait là-bas dans son pays, mais là c’était sous les hurlements des marchands au regard méchant. Mais ! On doit, toucher, sentir, avant de goûter, c’est ça la vie et le plaisir de manger ! Ils disaient que c’était sale comme d’embrasser les truffes des chats et chiens. Le petit chat tout rose pensa que les gens tous gris souffraient d’une grave maladie : ils trouvaient sale ce qui est normal et ne connaissaient pas les vrais plaisirs de la vie, par contre, il découvrit qu’ils trouvaient souvent normal les plaisirs sales ! Ciel ! Etoiles, astre de feu et d’argent, au secours ! Comment faire pour ne pas s’éteindre et mourir, refuser de devoir se formater, et se cloner à la teinte ambiante : le gris, le blanc et le noir. Pour le petit chat tout rose ça c’était les couleurs de la mort ! Dans son pays les femmes arboraient des étoffes multicolores, aux couleurs éclatantes, à chacun de leur mouvement, leur corps exhalait des senteurs musquées enivrantes. Alors le petit chat tout rose allait plonger dans ce qu’il était venu chercher dans ce pays, la connaissance. Il lut, écrivit, récita, dialogua, mémorisa. Ce pays tout gris le félicita pour sa belle cervelle, mais ne l’accepta jamais. Il avait gardé intact sa religion : le Dieu Liberté et le Dieu Beauté. Il resterait donc un rebelle.

Dès que cela fût possible, il reprit ses bagages et vogua loin, vers une île d’émeraude, perdue au milieu de l’océan ; Un pays tout en dégradé de vert et de bleu, un pays aux senteurs d’épices, aux couleurs éclatantes. Un pays où les éléments peuvent aussi fracasser la terre. Là il cru revivre, les arbres étaient si beaux, les brises si douces et la pluie si chaude. Et là, il travailla, travailla avec ardeur, sans relâche, se rendant exclave de ses tâches, peut-être voulait-il toujours être le meilleur, pour qu’on l’aime ?
Le petit chaton tout rose devenait de plus en plus un pourfendeur de tords épris de justice et d’humanité. Il voulait porter tous ceux qui étaient rejetés, mal aimés, abandonnés ne supportant pas que la parole d’un enfant martyrisé, abusé soit étouffé au profit de la concupiscence et du vice d’adultes mafieux. Il luttait pour que les droits des animaux soient appliqués et qu’ils ne soient pas que l’objet d’ignobles profits. Là aussi, on le remercia pour son bel intellect, mais il dérangeait de plus en plus, car maintenant il avait acquis le savoir et le pouvoir inhérent à la connaissance et à l’expérience. Rassurez-vous ! on le trouvait toujours aussi ridicule et on disait toujours de lui « trop bizarre, incontrôlable, indomptable, trop précieux » et dans la rue on disait « quel carnaval ! » Vous pensez un petit chat tout rose avec des grands yeux lilas et les bouts de pattes pailletées d’or !

Alors la mise à sac a commencé. Une curie dont il était censé ne pas se relever. La horde de l’ombre a étendu ses grands bras pervers, avides d’argent et de cruauté. Elle a aussi ouvert sa bouche immense, difforme d’où ne sortait que calomnie, mensonge et salissures, aux odeurs pestilentielles. Mais c’était ignorer que la seule famille qui avait entouré, nourri, comblé le petit chat tout rose étaient les grands disques d’or et d’argent, le vent, la pluie et les nuages, les grands bras des arbres et les petites truffes des chats et chiens. C’était sa force, depuis tout petit, c’était avec eux qu’il se dynamisait, qu’il se réconfortait et qu’il se régénérait. La terre le réénergétisait, comme la clarté de la lune et les rayons brûlants du soleil.
Alors le petit chat tout rose a compris qu’il fallait choisir entre être aimé ou respecté. Il pense qu’il ne sera jamais aimé parce que trop différent, pas formaté, pas fusionnel, trop rebelle, trop fidèle à son Dieu Liberté. Décision prise : il s’occupera sans relâche des plus malheureux que lui, des abandonnés, des mal-aimés, des incompris de ceux qui dérangent et qu’on a voulu réduire au silence.
Il restera trop épris de justice, trop avide de perfection et religieusement rebelle. Il s’est surtout promis de ne jamais faire ce qu’on lui a fait, c’est-à-dire mettre une croix sur lui parce qu’il dérange. Alors maintenant, il est prêt pour la guerre puisque sa déclaration lui a été signifiée. Il en appelle aux astres et aux vents, aux éclairs et au tonnerre, à la foudre du ciel et à tous les éléments qui peuvent un jour fracasser la terre. Petit chat tout rose avec tes grands yeux lilas tu vas parler, tu vas dire, n’est-ce pas ? Tu vas prononcer les paroles et les vérités qu’on refuse d’entendre et de voir. Mais dis ! Entre nous, si on t’avait vraiment donné le choix, tu n’aurais pas souhaité être un chat de gouttière tout gris, tout à fait ordinaire ?

 

Je m’appelle Marie-Aude ABANE et je suis Kabyle, berbère et psychologue.

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