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Les doléances des animaux de la Guadeloupe – LA SPA DE LA GUADELOUPE
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Les doléances des animaux de la Guadeloupe

Les doléances des animaux de la Guadeloupe

Machaho ! Tellem chaho !

Les doléances des animaux de la Guadeloupe

C’était une magnifique nuit de pleine lune, à l’ambiance ouatée, comme peuvent l’être ces nuits sous les tropiques. La magnificence de ces nuits-là fait que vous vous transformez en loukoum prêt à vous laisser rouler encore et encore dans le sucre glace. A peine quelques alizés qui font et vibrer les narines et transporter quelques senteurs de sable encore brûlant et l’iode des algues séchées. Cette nuit ne pouvait être que magique car ils m’avaient invitée. Ciel ! Il y avait foule ! je savais qu’ils venaient là une fois par an, eux les représentants des espèces menacées ou ceux qui étaient le plus malmenés par l’homme.

C’était devant chez moi sur une plage bordée par la forêt de zone sèche. Une plage qui avait été autrefois, une plage de rêve, sur une île d’émeraude, autrefois, une île de rêve. Aujourd’hui totalement abîmée, défigurée par les intérêts cupides et abjectes des hommes qui ont pour seule doctrine, les animaux certes, les arbres oui, pourquoi pas, à condition que tout soit en or massif. Une île autrefois paradisiaque, prise en otage par les hordes des ténèbres. Mais eux, ils étaient là, identiques à eux-mêmes, c’était la première fois qu’ils m’avaient invitée. Pourquoi ? Qu’attendaient-ils de moi ? Leur assemblée me faisait penser aux Tadjmâat que tenaient les anciens dans chaque village Kabyle (c’était l’exercice du droit en Kabylie). On y rendait la justice et on traitait des problèmes importants, inhérents au village. Leur invitation avait été apportée par un kio (espèce de petit héron gris bleu) qui sillonne le ciel tant le jour que la nuit avec un cris fort, strident qui lui confère aux Antilles ce nom de Kio. Mais parfois il caquette comme une poule. Les Antillais pensent qu’il est annonciateur de nouvelles, alors je me prête souvent au jeu. Son larynx émettant multitudes de tonalités, j’imagine des disputes, des ricanements, des mots doux, la colère ou la paix et la joie. Je le vois parfois sur mon toit déployant une aigrette tout autour de sa tête, j’ignore s’il fait le beau pour sa dulcinée qui n’est guère loin. Moi je le trouverais craquant dans cet habit d’apparat si j’étais à la place de sa belle! J’ai bien vu qu’il avait jeté à terre un petit rouleau de feuille de bananier. Je l’ai ramassé, l’invitation était à l’intérieur. Qui avait griffonné ces quelques mots signés d’une empreinte de patte de chat : « Minuit à la plage » ? C’était pour le moins énigmatique !  

      

J’arrivais à l’heure dite, la lune éclairait comme en plein jour. Même l’astre d’argent apportait sa contribution à la féerie du moment. Ils étaient tous là, en cercle, les yeux braqués sur moi. Deux mangoustes m’invitent à m’asseoir à côté d’elles. Eberluée, je leur demande de façon fort peu courtoise : « Mais vous êtes toujours là ? Quand je suis arrivée à la Guadeloupe je vous voyais souvent traverser la route, ventre à terre ? Voilà une éternité que je n’avais plu vu une seule de votre espèce ». « Oui » me répondit la plus âgée : « Tu as vu le trafic routier, le nombre d’accidents au volant ? C’était pourtant fabuleux, on disait que nous étions sur une île bénie des Dieux, aucun serpent n’y avait vu le jour. Les hommes ont remplacé le serpent que l’on arrivait pourtant à faire fuir dans les combats. On n’a pas pu résister à ces files de voitures qui ondulent en permanence ».

Qu’est-ce qu’on peut dire dans ces cas-là ? Désolée ? Pardon ! J’ignorais ou que puis-je faire ?

Mais, 3 tortues Caret piaffaient d’impatience. Ce sont des tortues marines, elles ne peuvent pas rester trop longtemps hors de l’eau. Elles faisaient un bilan plus satisfaisant : des associations spécialisées et financées avaient vu le jour pour les protéger. Elles viennent pondre leurs œufs sur les plages de la Guadeloupe chaque année. Elles reviennent adultes (âgées souvent de 30 ans) pondre sur la plage où elles sont nées. Les plus grands prédateurs de leurs œufs sont les hommes, ce qui fait qu’il faut des protecteurs qui viennent surveiller les œufs et l’éclosion pour aider les bébés à regagner l’océan car dans les Caraïbes, l’espèce a failli totalement disparaître : entre les filets des pêcheurs, le goût des insulaires pour la soupe à la tortue, la vente des carapaces et les erreurs qu’ont faites certaines communes d’éclairer avec des lampadaires les routes bordant les plages de ponte : elles foncent, une fois les œuf déposés dans le sable, vers les routes pensant que c’est la lune qui éclaire l’océan au lieu de replonger dans l’océan et elles meurent exténuées.  J’étais intervenu pour cela il y a quelques années à la Désirade.

En ce qui concerne les tortues mâles elles sont volontairement capturées pour leur sexe qui paraît-il réduit en poudre, a de fortes vertus aphrodisiaques. Aussi stupide que la corne de rhinocéros : on tue l’animal juste pour sa corne alors qu’elle n’est composée que des mêmes cellules que nos ongles ! Bonjour l’aphrodisiaque ! Elles s’excusèrent de leur brève présence et nous les avons regardées se hâter vers la mer, heureux tout de même d’apprendre qu’elles étaient de plus en plus nombreuses dans les mers des Caraïbes.

Mais qu’est-ce que ces petites boules de poils font à tourner, virer frénétiquement, j’étais sûre que c’étaient eux : « les racoons » ! l’emblème de la Guadeloupe. Ce sont des ratons-laveurs, chassés là aussi grâce à des pièges, dans ces forêts de zones sèches, j’en avais vu plein. J’avais il y a quelques années un couple qui passait par la fenêtre le soir pour voler les fruits ou toutes autres gâteries. Ils savent très bien ouvrir les placards. Et la nuit ce sont de vrais Arsène LUPIN, la cape en moins. Les pièges ont eu raison d’eux. C’est devenu une espèce particulièrement menacée et protégée. Les Antillais se délectent de leur chair : paraît-il aussi qu’elle aurait quelque vertu !!! Ce n’est plus comme disait DESCARTES « Cogito ergo sum » « Je pense donc je suis » mais « Coïto ergo sum » !!!

Les racoons étaient râleurs, vindicatifs, ils souhaitaient déclarer la guerre aux humains. La lune se reflétait dans leurs yeux en colère et avec les mouvements brusques de leur corps et de leur tête, on voyait des éclairs, comme si la foudre de Zeus voulait s’abattre là, dans ce bois de zone sèche, sur cette plage, à minuit.

Dans l’assemblée, des discussions se formaient de ci, de là, visiblement personne ne comprenait pourquoi les hommes focalisaient autant sur le sexe : supprimer autant de vies juste pour cela ! Les animaux ne comprenaient pas, moi non plus d’ailleurs, d’autant plus que les études de sexologie existent, avec les praticiens formés à cela ! Les racoons ne cessaient d’hurler : « Nous sommes l’emblème de cette île, nous méritons plus d’égards, le blason c’est nous ! »

Un grand bruit se fit entendre dans l’assistance : une imposante vache créole, déploya ses membres et se leva, altière, majestueuse. Dans cet univers magique, elle semblait sortie tout droit de mes livres d’histoires d’enfant, on aurait cru une divinité Egyptienne. Entre ces deux longues rangées de cils elle appela l’assistance au calme.  « La guerre ne mènera à rien, ils la gagneront ! Certains enfreignent déjà la loi et vous vendent illégalement dans leurs odieux trafics, à des privés et des collectionneurs. On vous entassera dans des cages, beaucoup d’entre vous mourront de soif, de stress, de maladie ou étouffés, avant d’arriver à destination. Vous êtes très beaux donc très recherchés, avec votre petite tête espiègle et toutes les facéties dont vous êtes capables, vous représentez un article de choix. » Elle se retourna vers moi et me demanda : « Toi qui est là pour nous protéger, sais-tu si ce trafic est en voie de disparition ? » Je lui ai répondu par un petit texte emprunté à Sitting BULL chef de tribu et médecin des Lakotas Hunkpapas (Sioux) : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible. » Le trafic d’animaux vient juste derrière le trafic d’armes et de drogues tant il est lucratif. Alors, un conseil, ne restez pas près des habitations, mes chers racoons ».

La superbe vache créole aux yeux de velours dodelinait de la tête, ma réponse était pour elle douloureuse car recelant peu d’espoir. Elle expliqua à l’assemblée qu’en période sèche elles, les vaches créoles, peuvent rester attachées à un piquet en plein soleil sans une goutte d’eau plusieurs jours d’affilé, alors qu’elles nécessitent 20 à 30 litres d’eau par jour en cette période de chaleur. « Pourtant nous, ils nous vendent légalement et on vaut cher ! Alors pourquoi les humains ne sont-ils pas aux petits soins pour nous ? Les flancs creux et l’air famélique ne sont pas les meilleurs arguments de vente tout de même ! »

Que lui répondre ? Que les humains sont la plus part du temps incapables de s’identifier, pas plus à la souffrance animale qu’humaine, que l’autre est comme un objet qu’ils laissent dans un placard, sortant du placard à leur guise, cassent s’ils en ont envie, mais ce n’est pas un être vivant comme lui, capable de ressentir la douleur, doté de sensibilité et d’affectif. Qu’ils se croient supérieur à tout ce qui n’est pas eux. » Mais je voulais la voir sourire alors je lui ai dit « Tu sais dans la religion hindouiste, vous êtes l’animal sacré. Vous êtes libre comme l’air et tout le monde s’occupe de vous. » Elle retroussa son museau et je vis que ma réponse l’avait mise en joie, elle se rassit, plus apaisée.

Mais qui vois-je ? Des petits cabris créoles ! Je suis du signe du capricorne alors, je suis particulièrement intéressée par mes frères et sœurs de cornes. Cette race créole est particulière car elle fournit peu de lait, aucune production de fromage n’est possible. Peu d’abris sont construits pour eux. En période de pluie et de cyclones ces animaux meurent à cause de ces intempéries et de l’humidité. Là aussi l’assemblée trouva particulièrement absurde et illogique que des animaux prévus pour être vendus ne soient pas plus privilégiés. Que leur dire ? Que moi aussi je trouve que certains humains ont à la place de la cervelle, un pois-chiche déshydraté ! Et que cela est valable pour les humains du monde entier. Je leur explique qu’en France métropolitaine il y a près de 1500 associations de protection animale et que si les animaux étaient mieux traités, il n’y aurait pas besoin de tout cela ! Mais que les cabris se rassurent leur condition de vie a été améliorées depuis quelques temps grâce à des spécialistes venus conseiller éleveurs, et particuliers qui en possédaient.

Un bruit de feuilles froissées se fit entendre, les crabes arrivaient en masse, ils étaient très en retard. Il y avait le gros crabe « barbe », violet avec de gros poils sur les pattes, les tous petits Touloulou, petits crabes rouges et les crabes « c’est ma faute » : ils ont une énorme pince qu’ils tiennent repliée devant leurs yeux, et une toute petite pince et leur démarche est syncopée, hésitante comme s’ils avaient honte de quelque bêtise commise. Tous en chœur ils me dirent : « Tu as vu comme on est tellement peu nombreux, avec leurs manies de construire sur les cinquante pas géométriques, pour avoir des résidence pieds dans l’eau, construire sur les cinquante pas géométriques pour vendre les terrains une petite fortune. Comment creuser nos trous pour nos terriers dans le béton ? Et où trouver de la nourriture ? » En tant que charognards ce sont les nettoyeurs de la nature et des plages. Un crabe me dit « Pour leur fête de Pâques où la coutume veut qu’on nous mange à toutes les sauces, ils sont maintenant obligés d’importer. » Oui je sais tout cela, c’est pour tout cela que cette île que j’avais trouvée aussi forte et magique que ma terre d’Afrique est devenue si laide, et totalement dépourvue d’âme. Car vous étiez tous la richesse de cette île enchanteresse, vous incarniez sa beauté et ses mystères.

A ce mot, plein de petites lumières s’allumèrent dans le ciel, tout autour de nous. Saperlipopette ! j’explosais ! Depuis combien de temps n’avais-je plus vu les lucioles. En période de reproduction, les mâles allument leur lanterne pour attirer les femelles. Du style : « viens chez moi, chérie il y fait bon vivre ! » Appel enchanteur, qui me transporte, on semble être dans un conte de fée ! Toutes ces minuscules lumières qui tourbillonnent ! C’est sublime ! « Alors vous aussi vous avez été victimes des pesticides et autres ?» dis-je. La mort aurait-elle décidé de résider en Guadeloupe ? Les baguettes des fées t’avaient pourtant illuminée, je t’appelais « mon île » Tant j’étais fière et heureuse de vivre au milieu d’une telle beauté ! Je te quitterai sans aucun regret.

 Les chiens créoles hurlèrent à la mort en entendant cela. « Et nous ? tu vas nous laisser ? » « Non j’emmènerai tous ceux que j’ai récupéré ainsi que mes chats créoles. Mais, je vous promets que je ne cesserai jamais de tous vous protéger même à 10 000 kms de vous. J’espère, que ma voix sera plus forte pour pouvoir vous représenter même à distance ! Je ne lâche jamais aucun combat, je n’oublie jamais la souffrance. La chute d’un iguane tombé d’un arbre ponctua comme par magie ma phrase. Non, vous non plus je ne vous oublierai pas, j’aime tellement vous voir perchés en haut des arbres de mon jardin, ou en haut de ma clôture. Je fulmine quelque peu en vous voyant engloutir mes fleurs avec délectation. Mais, vous m’inspirez le respect tant vous semblez venir tout droit de la préhistoire. »

Mais, le jour commence à poindre, et mes paupières se sont alourdies. « Merci mille fois pour cette invitation, j’en suis très honorée. »

« N’oubliez pas, je vous ai fait une promesse, parole de Kabyle ! » Je garderai toute ma vie ce cliché d’une mer étale, du sable comme repassé sans aucune trace et de vous tous, vous engouffrant dans les fourrés pour qu’une telle assemblée reste à jamais secrète.

Je m’appelle Marie-Aude ABANE et je suis Kabyle, Berbère et psychologue. 

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