Compassion et Empathie
Machaho ! Tellem chao !
Compassion et Empathie
Depuis un certain temps déjà des hurlements de douleur raisonnaient dans la nuit, de longs aboiements plaintifs et faibles. Difficile de savoir d’où ils provenaient tant le son était ténu. La seule solution était de sortir en pleine nuit, d’appeler, de parler, l’oreille aux aguets, car visiblement on appelait au secours. Ça y est ! C’est là ! Une maison diabolique avec des habitants qui sont des bêtes humaines car voilà plusieurs chiens qu’ils laissent mourir de faim et de soif attachés en plein soleil à 1 m de corde qu’ils n’avaient jamais agrandie et qui s’enfonçait dans les chairs créant une odeur pestilentielle d’infection. Là, il fallait réagir ! Des menaces de mort et la surveillance permanente des bêtes humaines m’avaient empêchée de réagir précédemment mais là, non il fallait mettre un terme à cette cruauté. C’était de la barbarie !
Avec des ruses de sioux, on a pu couper la corde et amener cette chose indicible, terrorisée tremblante, sans poils, la peau desséchée telle une momie, les cuisses piquées comme avec un pic à glace, les côtes lacérées de coups de bâton. Son nom s’imposait « compassion » (littéralement : souffrir avec). La maison refuge l’a accueillie avec tous ses habitants qui pour certains avaient été trouvés dans un état quasi identique. Compassion n’était même pas surprise de voir autour d’elle tout ce monde tout en poils, elle semblait vidée de toute substance, de toute vie, elle a laissé couper sa corde enfouie dans ses chairs purulentes et meurtries, a pris un bain chaud pour réhydrater un peu cette pauvre peau flétrie et rougie par les blessures. Elle a bu d’abord tout son saoul plutôt que de manger. Et là elle a commencé à regarder autour d’elle, dès le premier regard on a su que nous deux ça allait être une vraie belle histoire. Compassion est devenue petit à petit une jolie chienne blanche. Mais elle ne m’avait pas dit qu’elle recelait dans son ventre un petit trésor. Cette merveille a vu le jour, blanche comme elle avec un drôle de nez, on aurait cru qu’elle avait collé une balle de ping-pong toute noire au bout du museau. 2 yeux noirs comme des billes complétaient cet adorable minois.
Compassion décida de l’appeler « Empathie ». Pourquoi lui ai-je demandé ? « Je ne veux pas élever mon enfant avec la haine des humains, je ne veux pas me servir d’elle pour me venger de toute cette cruauté gratuite subie. Je veux lui apprendre les valeurs d’entre-aide et d’amour ». Elle m’expliqua que les chiens étaient bien différents des humains sur ce point. Chez eux, les pulsions d’entre-aide étaient innées : ils adoptent tout naturellement un rôle d’infirmier pour lécher les plaies des humains. Leur salive possédant des enzymes capables de détruire les bactéries. C’était donc un rôle qu’ils adoptaient tout naturellement vis-à-vis de leurs congénères, des chats, des humains et autres. Effectivement j’avais appris que pendant la 1ère guerre mondiale on faisait venir des chiens dans les tranchées pour lécher les plaies des soldats, la pénicilline n’avait pas encore été inventée. J’expliquais à mon tour à Compassion que ces pulsions d’entre-aide, les humains les avaient utilisées pour dresser des chiens d’aveugles, pour aller chercher les victimes bloquées dans les décombres lors des tremblements de terre. Il y avait aussi des chiens maîtres-nageurs qui allaient sauver en mer les personnes qui risquaient de se noyer, des chiens d’avalanche.
Compassion roulait des yeux tous ronds, je lui dis en riant : « vous les chiens vous possédez plus de 200 millions de cellules olfactives, nous n’en possédons que 5 ou 6 mille. Et là j’annonçais fièrement à Compassion qu’il existe des chiens qui ont le statut de militaires et qui peuvent être décorés. De stupeur elle s’est assise, je poursuivais : ils sont dressés pour chercher la drogue et autres produits, dans les homicides et les disparitions ils vont chercher les victimes vivantes ou mortes. Ils arrêtent des délinquants qui échappent aux forces de police ». Elle me dit « Je pensais que nous les chiens on ne protégeait et ne défendait que notre maître s’il était agressé. » « Non, lui dis-je, et sais-tu qu’actuellement on a constaté que les chiens préviennent leur maître diabétique d’une hypoglycémie, les épileptiques d’une crise proche, ils leur signalent une maladie grave encore inconnue d’eux, comme un cancer. On dresse des chiens destinés à ces humains très malades car ils sauvent ainsi des vies à de nombreuses reprises. Les chercheurs s’intéressent à ces nouvelles facultés découvertes qu’ont les chats et les chiens ».
Et là sa curiosité étant piquée à vif elle me demande si les humains avaient eux aussi des pulsions d’entre-aide. Je lui répondis « Malheureusement non, ce n’est pas inscrit dans un code génétique sans cela ils ne t’auraient pas fait tant de mal, ils ne tortureraient pas leurs congénères et ne violeraient pas ». Ce n’est pas une pulsion chez l’homme c’est un choix entre faire le mal ou le bien. Compassion était perdue, elle voulait en savoir plus, elle ne comprenait plus rien.
D’accord Compassion je vais te faire un petit cours de psychologie : Les pulsions agressives chez l’animal sont régulées par un inhibiteur chimique qui intervient pour que la mise à mort ne soit pas effectuée. Dans les combats de mâles pour la conservation d’un territoire ou le droit de s’accoupler avec la ou les femelles, n’occasionnent pas la mort. Si elle intervient, elle est accidentelle. Il suffit que le mâle dominant voit les signaux qu’émet le dominé pour s’arrêter net. Par exemple le loup dominé présente son cou au dominant. Dans toutes sociétés animales il existe un mâle dominant et, ou une femelle dominante. Il faut absolument que les forts assurent la protection des faibles, du troupeau, de la tribu ou de la meute, et il faut que leur semence soit la plus saine et vigoureuse possible pour assurer la pérennité de l’espèce. C’est le code génétique qui exige cela. Chez l’homme cet inhibiteur chimique n’existe pas. Il est le seul au monde à pouvoir continuer à massacrer quelqu’un qui est à terre, qui supplie et demande grâce. Il est le seul à s’acharner à faire souffrir et à torturer par plaisir, pour le pouvoir qu’il a de vie et de mort sur l’autre. Il est le seul même à continuer à vouloir tuer quelqu’un qui a porté autrefois le nom des ennemis de sa famille même s’il ne le connaît pas, ça s’appelle la vendetta. Il ne tue pas que pour se défendre, défendre famille et patrie, il tue pour se vanter, par plaisir, pour le profit, pour asseoir pouvoir et suprématie. Il tue par ce que c’est tout ce qu’il sait faire, c’est le cas des pervers, des psychopathes, des sadiques, des sérial killers. Ils aiment faire le mal et voir souffrir. C’est une réelle jouissance pour eux.
Vous, les chiens vous êtes différents, vous êtes capables d’être loyal même vis-à-vis d’un maître méchant, et maltraitant. Connais-tu l’histoire de ce chien au Japon, les hommes du pays du soleil levant lui ont même érigé une statue ? Ce chien accompagnait son maître au train qu’il prenait pour aller travailler, et venait le rechercher le soir. Comme s’il avait une horloge dans la tête. Tout le monde avait vu son manège et cela occasionnait sourires, moqueries, admiration, étonnement. Un jour son maître est mort mais le chien continuait à venir l’attendre au train tous les soirs. Là plus aucune moquerie, ni rire ne fusait. On était triste pour lui, tout le monde lui apportait friandise ou repas. Certains ont voulu l’adopter pour qu’il retrouve la chaleur d’un foyer. Il n’est jamais resté. Il a continué à venir chercher son défunt maître au train jusqu’à sa propre mort. Personne au japon n’a oublié ce symbole absolu de loyauté et d’amour.
Compassion avait la larme à l’œil en écoutant ce merveilleux récit. Mais je voyais qu’elle tournait, virait, d’autres question à poser lui tenaient à cœur. N’y tenant plus elle me demanda « Est-ce que vous aussi, les humains vous avez plusieurs maris ? » J’éclatais de rire, car je voyais bien ce qu’elle voulait savoir : « Oui, dans l’absolu, lui dis-je, on peut aimer plusieurs hommes et faire l’amour avec. Ah ! Compassion ! crois-tu que c’est le moment de parler de cela, c’est l’heure du repas, pleins de petits estomacs réclament. Mon papy chat Aszidane miaule comme un damné. » Et là elle me regarda avec ses yeux de biche, elle sait que je ne résiste pas à cela, je craque ! Bon ! Ok ! Lui répondis-je tu veux savoir si notre sexualité est la même que celle des animaux. Non ! Nous faisons l’amour en dehors de la reproduction, par plaisir. Vous, les animaux, seules les hormones vous guident et l’acte d’accouplement ne donne aucun plaisir, c’est juste un acte de reproduction. Par contre avant de vous accoupler vous avez tout un ensemble de stimulis-réponses qui constituent la parade nuptiale sans lesquels l’accouplement ne peut se faire. Par exemple le paon fait la roue, c’est son mode de séduction. Pour certains oiseaux c’est le chant. Un des plus beaux séducteurs que j’ai pu voir c’est l’oiseau jardinier. C’est un petit oiseau qui vit en Australie et en Nouvelle Guinée. Il battit un nid pour sa belle. C’est une vraie demeure qu’il décore avec un goût exquis. Sa maison peut être décorée d’une seule couleur ou de 2 ou 3. Il y apporte petits cailloux, coquillages, feuilles, fleurs, brindilles, plumes. C’est une peinture, une œuvre d’art. Il y monte des petites structures composées de brindilles, de mousses sèches formant des arceaux. Et dans la chambre de la belle il y dépose des mousses toute douces pour quand elle aura ses œufs. Quand la maison est finie, il exécute toutes sortes de danse devant. Les femelles font le tour des maisons, choisissent celle qui leur plaît le plus et choisissent aussi la danse du mâle qu’elles préfèrent. L’accouplement n’est possible qu’après.
Tu vois compassion, à notre époque la séduction a beaucoup rétréci, plus de poème, plus de ritournelles sous le balcon des belles, plus de fleurs. Les humains passent de la verticale à l’horizontale à une allure déconcertante. Compassion me parla d’une chose qui l’avait fort surprise : dans la maison diabolique où elle avait tant souffert, elle avait entendu son bourreau traiter sa bien-aimée de « chienne » ! « Pourquoi, me dit-elle ? Moi je sentais mauvais mais elle, elle sentait toujours bon ». Comment est-ce que je pouvais lui expliquer cela sans la froisser ? « Tu vois lui dis-je dans l’espèce animale, il y a des espèces monogames c’est-à-dire qui auront le (la) même partenaire toute leur vie, c’est par exemple le cas du manchot, il y a aussi parfois une tribu composée d’un mâle et de plusieurs femelles. C’est le cas du cerf et ses biches et des chimpanzés, gorilles etc…. Et puis il y a vous, les chiens et les chats : votre fonctionnement est particulier, quand vous êtes prêtes à concevoir, vos chaleurs attirent les mâles des environs des kilomètres à la ronde (cellules olfactives obligent !). Ils se regroupent en meute autour d’une femelle, se battent pour obtenir ses faveurs. Et la femelle en choisit certains : chaque saillie donne un petit. Votre instinct de conservation de l’espèce est très bien fait : la portée comptera un petit de chaque mâle. Ce qui fait que si le mâle est malade, la femelle ne perdra qu’un seul petit et pas toute la portée. C’est pour cela qu’à la naissance on a des chiots et des chatons de chaque couleur, de chaque race différente, poils courts, poils longs. Les hommes qui ne savent pas cela pensent que les chiennes et chattes sont des boulimiques sexuelles, et qu’elles consomment quantité de mâles par plaisir. Comme s’il s’agissait de femmes de peu de vertu. C’est très humiliant pour une femme qu’un homme la traite de chienne. Tu vois ça aussi c’est un comportement que vous les chiens ignorez totalement : le plaisir chez l’homme et la femme peut être détourné de la norme et peut consister à humilier, faire mal ou aimer avoir mal. On appelle cela le sadomasochisme, cela fait partie des perversions. Mais cela c’est un mot et un comportement qu’aucun animal ne connaîtra jamais. On voit communément des mâles entre eux simuler l’acte d’accouplement, cela peut-être 2 femelles entre elles ou une femelle chevauchant un mâle. As-tu vu Compassion comment Taïssi aime faire cela à Souleïmane. Elle doit faire 15 kg, elle a le corps un peu d’un lévrier, je l’appelle ma gazelle du désert tant elle est fine et délicate et superbe en course. Elle ne marche pas, elle effleure le sol. Son museau est tellement pointu que c’est un nez à piquer des gaufrettes. J’aime bien me moquer d’elle en lui disant cela ! Souleïmane est un mâle non castré de plus de 50 kgs, un gros balour, mélange de rottweiller. Il est doté d’une force prodigieuse. Mais paradoxalement ce n’est pas un dominant. Taïssi, petite nymphette aux yeux verts est une dominante, elle ne fait pas cela à son frère Madhi qui lui avec ses 25 kgs est le dominant et le chef de la meute. Quand les animaux simulent cet acte d’accouplement c’est pour asseoir le rapport dominant-dominé. Dans une meute de chiens ce rapport se rejoue chaque jour soit par l’arrivée d’un nouveau venu, soit par le vieillissement ou la maladie même temporaire de l’un d’entre eux. Quant ils simulent cet acte c’est pour asseoir leur domination sur l’autre ».
« Il existe aussi le sadomasochisme au niveau psychologique : le seul mode en vigueur sont les rôles et rapports maître-esclave. Certains hommes décident qu’ils sont supérieurs à d’autres parce qu’ils ne se donnent pas la peine de connaître leurs mœurs, leur culture. Cela les légitime de leur enlever leurs habitudes de vie, leurs Dieux, leurs coutumes. Ils les jugent « barbares », « sauvages » et les traitent souvent de « chiens galeux ».
Les yeux de Compassion étaient exorbités, elle avait du mal à me suivre. « Pourquoi, pourquoi » répétait-elle à loisir ? C’est ce qu’on appelle les invasions, la colonisation. Tous les territoires de ce monde ont connu des invasions destinées à voler l’or, les terres, les ressources et les inventions du pays asservi. Sous couvert d’apporter la civilisation à ces « sauvages », de les empêcher d’être la proie du diable on allait les obliger à vénérer le Dieu du conquérant. Toutes sortes d’excuses pour voler, violer, asservir, et réduire en esclavage pour avoir de la main d’œuvre gratuite. Le goût du pouvoir, des richesses et le plaisir de se sentir supérieur. Les hommes aiment faire cela. Cela a été le cas tout au long des siècles, et c’est encore le cas avec le trafic des femmes, le tourisme sexuel et autres.
Maïssa a 10 ans, je l’appelle mon hippopotame rieur, on l’a récupérée l’année dernière dans une marre de sang, attaquée férocement par un chien d’un voisin. Et voici la petite dernière récupérée hier, elle s’appelle Tislit (la fiancée d’Anzar Dieu de la pluie) et elle a 3 mois, récupérée in extremis au bord d’une grande route qu’elle allait traverser car elle avait été abandonnée là.
« Je vais te donner un exemple Compassion qui me tient à cœur car c’est de ma culture qu’il s’agit : quand le colonisateur est arrivé en Kabylie il a vu les femmes dans les jardins et les champs. C’était elles qui allaient chercher l’eau à la fontaine et transportaient les fagots de bois. Les hommes pouvaient être au café pour parler de guerre ou de politique. Ils pouvaient être en cercle dans les Tadjmâat pour rendre la justice (c’est un peu comme un conseil des anciens). Le colonisateur en a conclu (rapport dominé-dominant) que dans ce pays la femme était l’esclave de l’homme. Car dans son pays à lui, le colonisateur, c’étaient les hommes qui étaient dans les jardins et les champs. Ils n’ont pas posé de questions, pas cherché à comprendre, ils ont décrété, jugé ! Pour les kabyles, la déesse terre Gaya est en osmose et symbiose avec les femmes, car la terre a ses cycles (les saisons) comme la femme a ses cycles (les 9 mois de la grossesse, les menstrues et la période d’ovulation). C’était quasi un droit divin d’accorder aux femmes de s’occuper de la terre mère. Comme elles seules pouvaient la nourrir, l’enfumer car seule la femme a du lait premier aliment du nourrisson et avait un rôle nourricier pour toute la famille. La terre nourricière choyée et entretenue par la mère nourricière. C’est magnifique ! c’est tout sauf de l’esclavage. Mais quel confort pour le mental des conquérants de pouvoir tuer et voler sans aucune culpabilité et remords. Au contraire on se sentait des héros qui libéraient ces pauvres femmes de leur joug ».
« Tu vois Compassion, c’est la particularité des humains ils se trouvent toujours de bonnes excuses pour s’octroyer des profits, du pouvoir et pour s’autoriser à…. Mais là, il suffit Compassion, cela va être la révolution dans la maison, les petits ventres crient famine. Va t’occuper d’Empathie, surveille-la bien, elle est tellement jolie et fragile. Au fait as-tu vu que par moment dans sa fourrure on perçoit des reflets or ou argent ? Je pense que les Dieux envoient ce message permanent aux humains : c’est la compassion et l’empathie qui rendent riche un homme. Quand il possède cela il possède tout l’or et l’argent du monde. Car même pour les milliardaires le jour où ils sont vieux, seuls, handicapés ou malades ce n’est pas avec leur argent qu’ils peuvent acheter l’amour, la confiance, l’empathie et la compassion dont ils ont besoin à ce moment là ».
Petit d’homme n’oublis jamais ces 2 chiennes, Compassion et Empathie. N’accepte plus jamais qu’on injurie un homme ou une femme en les traitant de chien ou de chienne. Avec tous les services que cet animal rend à l’homme, c’est injuste, et inacceptable. Il est le meilleur ami de l’homme depuis des millénaires. Les chiens t’aiment même le jour où tu es moche, malade, vieux, handicapé, diminué. Cet amour inconditionnel, cette loyauté sans pareil ça vaut tout l’or du monde. Tu peux me croire. Compassion, transmets tout cela à Empathie. Tous les parents ont un devoir de transmission pour faire le lien passé-futur. Surtout pour les peuples colonisés : car tous les colonisateurs quels qu’ils soient pour asservir et casser toute rébellion, vous font avoir honte du nom et prénom de votre père et honte de la tenue traditionnelle que porte votre mère. Et le jour où un homme a honte de cela il n’est plus rien !
Je m’appelle Marie-Aude ABANE et je suis Kabyle, berbère et psychologue.